Les troupes coalisées sont en France !

On m’aurait dit ça après notre éclatante victoire d’Almeida, je n’y aurais pas cru… C’est vrai que la campagne de Russie et surtout Leipzig ont tout changé…
Le 16e a été appelé sur Montereau pour défendre la route de Paris.

Je fais route depuis ma campagne bigoudène à marche forcée. Durant cette route bien solitaire, j’ai tout le temps de penser. Si ma foi en l’Empereur est entière, de sérieuses questions se posent. Comment tenir face à ces hordes financées par la perfide Albion ? Avec toutes ces pertes dans la Grande Armée, est-ce que l’appel aux Marie-Louise suffira ?

Après une halte dans la ville de Versailles, j’ai retrouvé ce cher Alambic, son havresac toujours plein de liqueurs fort appréciables pour les longues marches…

Et enfin, ce samedi à l’aube, nous arrivons aux portes de la ville de Montereau. La ville étant occupée par les Autrichiens et les Wurtembergeois, le général Pajol a fait monter le camp aux portes de celle-ci. Les tentes s’étendent à perte de vue. Mais nous repérons très vite des visages familiers : Le capitaine Ribière est bien là, ainsi que le caporal l’Horloge. Il y a aussi la Baguette, la Balance, la Mère Fanchon et surtout la Tambouille. On se battra bien, puisque nos ventres seront pleins ! Seule ombre au tableau, le dépôt de Reims est absent : ils ont dû être retenus pour la défense de la ville…

Pour compenser ces trous dans les effectifs, on nous a adjoint deux Marie-Louise tout proprets, vêtus et équipés de bric et de broc… À peine les présentations faites, et un semblant d’instruction prodigué, l’état-major nous envoie en repérage : des troupes ennemies ont été signalées tout proches.

Après une longue marche, nous voilà devant un premier obstacle, en la personne d’un bois touffu, vite surmonté par notre Capitaine en s’octroyant les services d’un sapeur du 11e Léger (il est vrai que notre tête de colonne a été décimée en Espagne…). Nous progressons prudemment, attentifs au moindre bruit. Alors que nous atteignons petit à petit les hauteurs, un sifflement curieux se fait entendre. Il n’y a pourtant pas de bouilloire sur le feu… C’était en fait l’une de nos nouvelles recrues, essoufflée par notre marche ! Ça promettait… À peine arrivé, déjà baptisé : et voilà la Cheminée !

Mais nos sourires sont de courte durée : un coup de feu part ! Il y a bien de l’ennemi caché dans les bois. Notre Capitaine remet de l’ordre dans les rangs, et nous fait progresser dans les bois. Nous corrigeons quelques Prussiens embusqués, jusqu’à nous retrouver le long d’un champ. Avec nos camarades de la 11e légère, nous pourchassons les fuyards, qui de toute façon, se trouvent encerclés par une compagnie de ligne qui avait habilement contourné les bois.

Nos nouvelles recrues avaient tenu le choc lors de cette escarmouche, on allait sans doute pouvoir en faire quelque chose. Le retour au camp fut donc ordonné.
Après une frugale collation, nous montâmes dans un train de diligence, réquisitionné par l’état-major. Le campement fut vite rejoint, mais nous n’eurent pas le temps de descendre, un contre-ordre nous expédiera en arrière.

Il fallait galvaniser l’esprit de résistance des habitants de Montereau : les honneurs furent rendus aux gendarmes d’Espagne, héros de ces combats, en présence des élus de la nation, et des vétérans de nos armées. C’est une foule en liesse qui acclama ce jour notre Petit Caporal (l’autre, pas le nôtre…).

Le campement rejoint, ce ne fut, encore une fois, qu’un court répit : à peine rentré dans ma tente, que les tambours sonnèrent le rassemblement. L’escarmouche du matin n’était que l’avant-garde des Alliés. Cette fois encore, nous allions ouvrir la marche de l’armée. Nos amis de la Garde Nationale nous prêtèrent main forte pour affronter les avant-postes ennemis. Ceux-ci n’avaient malheureusement pas eu le temps de fortifier leurs positions et nous dûmes reculer au prix de lourdes pertes. Nous sommes placés en réserve pour le reste de la journée.

Nous rejoignirent péniblement le bivouac, pour être accueilli par l’odeur réconfortante d’une bonne soupe, préparée par la Tambouille.
C’est donc le ventre plein que nous nous sommes endormis.

Le lendemain, notre deuxième Marie-Louise hérita lui aussi de son nom de guerre en renversant son café : Deux Mains Gauches…
Des pourparlers étant en cours, un répit nous fut octroyé pour la matinée, que le Capitaine mit à profit pour tenter de compléter notre équipement dans un magasin voisin. Hélas, sur le chemin, on croisa ces Messieurs de la Garde… Toujours les mieux équipés… Ils avaient dû tout rafler. Revenant bredouille au campement, nous en profitons donc pour compléter l’instruction de nos nouvelles recrues.

Après une omelette des plus fameuses, dont la Tambouille garde jalousement le secret, le Prince de Beauharnais nous fit l’honneur de sa compagnie.
C’est alors que l’Empereur fit battre le rappel des troupes : c’était maintenant qu’il fallait en finir, une bonne fois pour toute.

Encore une fois assisté par les gardes nationaux, nous allions tenter de prendre les ponts de l’Yonne et de la Seine. La progression se fit en bon ordre et sans perte. Sous une pluie fine, nous bousculions toutes les positions ennemies. Le Capitaine nous guida vers une barricade ennemie : « Croisez… Nette ! ». L’impact entre les deux murs de piques fut brutal. Je ne perçus presque rien du chaos consécutif… Ce n’est qu’à la fin que j’aperçus l’Alambic, les yeux hagards et la bouche noire de poudre. Il avait bousculé à lui tout seul une bonne partie des Prussiens qui avaient fui sans demander leur reste…

C’est alors que toute l’armée commença à crier d’une seule voix : « Vive l’Empereur ! »
Les canons ennemis étaient à nous ! La bataille était gagnée ! C’est alors qu’il passa devant nous ! Lui qui nous avait remis notre aigle quelques mois auparavant à Châteauroux nous regardait fièrement !

Le 16e avait une fois de plus triomphé, les Marie-Louise avaient été dignes des anciens, mais la guerre n’était pas encore gagnée.

Vive l’Empereur, et vive le 16e !

Carabinier La Bûche.

Photo de Xavier Guéguen
Photo de Xavier Guéguen
Photo de Xavier Guéguen
Photo de Xavier Guéguen
Photo de Xavier Guéguen
Photo de William Porte
Photo de Bernard Vautier
Photo de Bernard Vautier
Photo de Bernard Vautier
Photo de Bernard Vautier
Photo de Bernard Vautier
Photo de Bernard Vautier
Photo de Gerard Kreutzer Sens